Guide_OAI_2014

12 13 OAI ARCHITECTES INGÉNIEURS-CONSEILS GUIDE OAI RÉFÉRENCES 2014 ORDRE DES ARCHITECTES ET DES INGÉNIEURS-CONSEILS DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG Le rôle des pouvoirs publics envers le patrimoine bâti Les pouvoirs publics (communes et Etat) sont souvent mis en cause. On leur reproche de rechigner ou tarder à classer des monuments. Mais le classement ne fait pas tout. L’intégrité du bâtiment n’est vraiment préservée que lorsque les pouvoirs publics s’en portent acquéreurs. Or, pour des raisons économiques évidentes, ce n’est pas toujours possible. Le nouveau château d’Ansembourg pourrait être considéré comme un cas d’école. Classé monument national, l’Etat – le Service des Sites et Monuments nationaux – a contribué à sa restauration. Il figure aussi comme l’une des attractions touristiques de la Vallée des sept châteaux. Mais étant la propriété privée d’un particulier, il n’est pas assujetti à être ouvert au public. Incriminables sont parfois les élus politiques. Qui lancent des chantiers d’envergure, pour se démarquer de leurs prédécesseurs, souvent sans vision à long terme, car pressés par l’échéance de leur mandat. Ou qui préfèrent les consensus improbables, par peur de ne pas se faire réélire. Le bâti, reflet d’hier et d’aujourd’hui Autant il serait regrettable de laisser libre cours à la « destructomanie », autant il est inconcevable de vivre dans un pays-musée. Il faut donc trouver un juste milieu entre conserver ce qui est digne de l’être et octroyer de la place à l’innovation via le neuf. Après un regain d’amour pour le bâti jusqu’en 1950, ne peut-on pas d’ores et déjà prédire que bientôt le bâti des années 60 et 70 suscitera lui aussi de l’intérêt ? Quelle est la durée de vie – culturelle – d’un type d’architecture ? Une question sans réponse. Un juste milieu subjectif où la conscience collective mais surtout individuelle entre en ligne de compte. L’architecture contemporaine : vers une évolution qualitative ? La qualité ne se laisse pas aisément définir. Par qualité, on peut faire la distinction entre qualité de vie et qualité des matériaux. La qualité de vie d’un propriétaire peut-elle se faire au détriment des habitants du quartier ? Combien de façades côté rue sont quasi murées pour préserver leurs occupants des éventuels regards venant de l’extérieur. Alors que ne serait-ce pas le prix à payer pour tous ceux qui optent pour des maisons de centre ville, dont le retrait par rapport aux trottoirs est souvent dérisoire ? La qualité, puisque l’unicité est impossible, est le nouvel enjeu de la profession. Un vœu qui reste parfois pieu. Deux exemples : le vert et les techniques d’isolation. Malgré des discours de plus en plus souvent axés sur les besoins humains en espaces verts, le béton semble dans les villes l’emporter haut la main. Le passeport énergétique est l’instrument de mesure de l’isolation. Mais une isolation classe A, B ou C ne garantit pas pour autant l’utilisation de matériaux de qualité. Force est de constater que pour des raisons économiques le Styropor est plus fréquemment utilisé que le liège ou la laine de verre. Or, le Styropor, en plus de contribuer à l’effet de serre, provoque une pollution environnementale à grande échelle. Il est même soupçonné d’être cancérigène. Mais comment lutter contre les lobbies ? Florence Bécanne Journaliste indépendante Etat des lieux L’architecture et l’ingénierie obéissent à moult facteurs dont les contraintes économiques, les politiques de logement, les modes de vie, la culture, les goûts personnels, ... Les architectes et les ingénieurs-conseils eux-mêmes sont pluriels. Les écoles, plus nombreuses qu’auparavant, dispensent des enseignements qui les sensibilisent à tel ou tel style et telle ou telle technicité. Le Luxembourg n’accueillant à ce jour aucune école d’architecture, il n’y a pas de style contemporain proprement dit luxembourgeois ; les architectes luxembourgeois sont imprégnés par des mouvements d’architecture et d’urbanisme français, suisses, allemands, … En conséquence, la diversité règne. Au détriment de l’hégémonie d’antan. L’avenue de la Liberté (Luxembourg-Gare) présente par exemple une unité architecturale telle que l’on n’en conçoit plus. Un plaisir des yeux dont se délectent certes les habitants, mais également les touristes. Qu’adviendra-t-il donc de l’impact touristique de nos villes de demain ? A cette question, forcément nulle réponse, seulement une constatation : nous ne vivons plus à l’ère de Napoléon qui a fait remodeler Paris par le baron Haussmann. C’est désormais la liberté de chacun qui prévaut sauf quand les pouvoirs publics en décident autrement. Que sont nos campagnes devenues ? C’est sans nul doute dans les villages que se sont produites les métamorphoses les plus drastiques. Certes, la population change. De moins en moins d’agriculteurs et de plus en plus de fermes abandonnées. En parallèle, le pays connaît un essor démographique accompagné d’un exil forcé pour certains loin de la capitale où les prix de l’immobilier ne cessent de grimper. Les fermes ne trouvent guère d’acquéreurs. Trop grandes en surface pour les besoins d’aujourd’hui, elles laissent place à des immeubles d’appartements, soit des constructions en hauteur, économie - ou spéculation ? – oblige. Le village s’en trouve de fait dénaturé. Et de pair avec les changements de physionomie des villages se créent des clivages au sein même de la population, entre ceux qui ont opté pour la tranquillité et la proximité de la nature et ceux pour qui on a recréé un ersatz de ville à la campagne. Il y a pourtant au Luxembourg un modèle d’unicité parfaite : Christnach. Mais un tel résultat, pour y parvenir, s’accompagne forcément d’une réglementation féroce. Un modèle à suivre ? Réglementation ou libéralisme ? Il est récurrent de se retrouver décontenancé face à des entités – villes, villages, quartiers, … - à la morphologie changée et devenues disparates. La multiplication de nouveaux objets, quoiqu’en général élégants et sobres, empêche en effet une lecture immédiate de l’environnement. Mais l’éclectisme n’est-il pas sous-jacent à notre époque ? Le Japon est devenu au fil des dernières décennies un exemple type d’éclectisme architectural. Or, c’est en toute sérénité qu’y cohabitent les bâtisses anciennes, traditionnelles, contemporaines ou futuristes. La perception de l’environnement urbanistique se ferait-elle donc en positif ou négatif selon la culture qui est la nôtre ? Opter pour un système réglementé ou libéral mène à un débat philosophique. Nous vivons dans une société de droit où il semble par conséquent logique de pouvoir choisir son style d’habitat, même si ce choix revient souvent à d’autres, à savoir les architectes. Car le futur propriétaire ne dispose pas toujours de tous les éléments ou connaissances indispensables, tels la faisabilité, les normes, le coût, la longévité, l’emploi adapté de matériaux, … Le patrimoine bâti ancien : rénovation versus destruction Les citoyens ont l’impression que le patrimoine de la ville – voire du pays – qu’ils habitent leur appartient indirectement et se sentent meurtris lorsque celui-ci est détruit sans qu’ait eu lieu une consultation participative. Et même lorsque des mouvements ou associations tentent d’empêcher le cours des choses, cela s’avère bien souvent vain. Comme ce fut le cas pour le Pôle Nord, situé avenue Marie-Thérèse (Luxembourg-Ville), devenu le siège de la banque INVIK, ou le cinéma Marivaux, situé rue Dicks (Luxembourg-Gare), qui fut rasé malgré les somptueuses portes Jean Prouvé qui l’ornaient. Quand la destruction n’est pas de mise, il paraît courant au Luxembourg d’axer la réhabilitation sur un compromis entre ancien et contemporain, comme pour la Banque Transatlantique Luxembourg, située côte d’Eich (Luxembourg-Ville). Qui dit compromis, dit manque de clarté dans la prise de position, mais aussi une adaptation de l’ancien aux besoins d’aujourd’hui qui, si elle n’était pas possible, induirait la destruction. Quoi qu’il en soit, la rénovation, puisqu’elle se doit de respecter les nombreuses normes actuelles, est d’autant plus louable qu’elle coûte bien plus que la destruction.

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